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Entretiens, coulisses, événements hors et entre les murs…
La maison ouvre ses portes aux curieux·ses.

Entretien, 2ème vague : Marie Sélène

Dernière mise à jour : 12 févr. 2021

Marie Sélène a publié l'automne dernier son premier roman, Le silence qui cache la forêt, dans lequel on suit la trajectoire d'Anna, entre émancipation et découvertes familiales.


Il se trouve que Le Silence qui cache la forêt n'a pas été ton unique projet éditorial de 2020 - une grande année ! Est-ce que ce serait une bonne idée pour en savoir un peu plus sur toi et sur ce qui te pousse à prendre la plume, que tu nous parles un peu de cet autre livre ?

Oui, effectivement, c’est une année assez incroyable pour moi : après dix ans d’endurance pour trouver un éditeur, je publie finalement deux livres la même année ! Mais cet autre livre n’est pas un roman, et il s’inscrit dans une aventure créative différente. La psyché humaine me fascine, et j’en ai fait l’un de mes métiers : avant de me consacrer pleinement à l’écriture de ces deux ouvrages à paraître, j’étais thérapeute. En parallèle, j’ai développé une méthode de développement personnel autour des symboliques astrologiques, bien loin des clichés prédictifs, et nourrie de mythologie. J’anime un podcast qui s’appelle « Invente ton Ciel » où je conte des histoires pour transporter mes auditeurs dans leurs propres mondes intérieurs. C’est un sujet inépuisable de métaphores et un véritable miroir de la psychologie humaine. Le livre que j’ai publié aux éditions Marabout en octobre est le résultat de mes recherches et expériences : un voyage intérieur dans les étoiles pour se relier à sa petite étincelle, tout le monde peut en être le héros !



Revenons à nos moutons ! Si tu devais nous dire deux mots sur Le silence qui cache la forêt :


Une tempête mystérieuse s’abat dans l’Est de la France et ne semble pas prendre fin… Une météorologue, Anna, est transférée là-bas pour tenter de comprendre ce phénomène. Elle quitte l’océan breton le vague à l’âme, et entame une nouvelle vie sur des terres qu’elle fuit depuis longtemps. La tempête n’est pas la seule énigme qu’elle va devoir résoudre : elle va devoir traduire de nombreux silences en recevant en héritage une maison qui a bien des choses à raconter…

Il y a une idée de cheminement, de progression dans ton texte, que ce soit dans un espace géographique comme dans soi-même. As-tu réussi / eu envie d’entremêler tes connaissances, ta pratique astrologique avec ton expérimentation romanesque ? Si oui, de quelle manière ?


C’est effectivement un voyage, aussi temporel qu’intérieur. L’héroïne, Anna, est donc météorologue : elle lit aussi dans le ciel, mais de manière scientifique ! Dans ma pratique astrologique, je dis souvent que la carte ne fait pas le territoire. Ce qui signifie que si notre plein potentiel a besoin d’un environnement adéquate pour se révéler : sans lui, on peut totalement passer à côté de soi-même… C’est ce que j’imagine chez Anna, dont je n’ai dressé aucun thème astral inventé. Ce qui est intéressant ici, c’est justement le chemin : celui qu’elle parcourt pour se dépouiller de ce qui l’éloigne d’elle-même. Pour autant, en faire un être Scorpion serait un raccourci bien trop facile ! Elle est aussi très vénusienne, c’est une quête de l’autre, mais aussi du plaisir, qui lui donne la force d’avancer.



Ton texte est marqué par le thème du silence : pourquoi l’inviter, pourquoi lui faire la part belle ?

Le silence est un thème qui me fascine par son côté double : il peut être aussi apaisant qu’assassin. Anna l’explore avec toute son ambiguïté. Il est son refuge, mais également une forme de prison : les non-dits la prennent au corps. Et il est difficile pour elle pour sortir de la prison dorée du silence, de faire le tri dans ses illusions. Le rapport d’Anna au silence est ce qui marque le rythme du roman, avec ses pas en avant suivis de tout le recul nécessaire qu’a besoin l’être humain pour intégrer sa propre avancée…

Je crois qu’on peut dire qu’Anna se retrouve prise dans un étau, tiraillée par tout un jeu de poids et de tensions : le poids du passé, les tensions familiales etc. C’est un peu notre cas à tous et toutes, dans la vraie vie (irl). Qu’as-tu voulu montrer par là ? Que souhaites-tu à Anna, et que nous souhaites-tu à nous ?

Oui, je crois sincèrement que nous sommes tous soumis à un héritage émotionnel laissés par nos ancêtres. D’un point de vue généalogique, les deux grandes guerres ne sont pas si anciennes… Nos zones d’ombre peuvent venir de là, tant le silence était la règle à l’époque, par honte, par culpabilité, par principe. Je souhaite à Anna un voyage salvateur, car quand ce genre de silence se brise, c’est comme si des entraves se rompaient avec lui. Et je nous souhaite à tous de ne pas avoir besoin d’une tempête pour aller déminer nos mémoires invisibles.


Écrire un roman, c’est toute une aventure, qui parfois dure ! Entre le premier brouillon et le livre à paraître, que s’est-il passé ? Combien de temps s’est écoulé, le format a-t-il évolué ? Tu es primo-romancière, quelles sont tes impressions sur le métier d’autrice ?

J’ai eu l’idée du roman juste après les attentats en 2015. J’étais donc thérapeute, et j’ai remarqué que nos souffrances individuelles se faufilaient via l’émotion collective pour tenter de trouver une oreille : beaucoup de traumatismes sont ressortis à ce moment-là. J’ai voulu faire parler une femme de ce qu’elle pouvait ressentir face au poids de l’Histoire, où les drames intimes restent silencieux. En suivant cette idée, j’ai au départ écrit un texte à la première personne que j’ai terminé en 2018. Quand tu as repéré mon texte, tu as vu en lui le potentiel d’un récit plus vaste, et, pour davantage de résonance, tu m'as proposé de le réécrire avec un narrateur omniscient. Nous avons ensemble entrepris un grand chantier au cours duquel j’ai énormément appris, et je mesure ma chance en tant que primo-romancière d’avoir pu profiter d’une réelle présence éditoriale. Tu avais saisi ce que je souhaitais écrire, et par tes conseils, tu m'as permis d’y parvenir. J’ai toujours rêvé de cette relation écrivain/éditeur, et je ne suis pas déçue ! Réécrire, dans un premier temps, ça fait apparaître comme des hématomes partout : on est sensible aux changements, on s’effraie d’y retourner. J’ai réalisé qu’écrire est un métier, qu’il faut s’y consacrer pleinement pour, tout comme Anna lors de son voyage, trouver ce soulagement profond d’avoir résolu l’énigme que l’on s’est lancé soi-même. Je ne sais pas encore quelle écrivaine je deviendrai, mais j’aimerais explorer davantage ce mélange de sentiments étranges, entre l’exaltation et la perte totale de nos propres repères, que l’on ressent lorsque l’on se fait porte-parole d’une histoire qui nous dépasse, et que l’on découvre en avançant un mot après l’autre…



Le reconfinement a un peu rebattu les cartes, notamment en ce qui concerne la parution du livre. En tant qu'autrice, comment cette nouvelle pause forcée t'apparait-elle ? Parviens-tu à y trouver ton compte, à t'adapter ?


C’est un peu étrange de sortir son premier roman en plein confinement. Nous devions faire une belle soirée de lancement, et les quelques salons du livre et rencontres prévues ont été annulées. C’est un peu douloureux, mais pour autant, le roman rencontre des lecteurs. J’ai la chance d’avoir un lectorat grâce à mon autre livre sorti juste un peu plus tôt : il y eut des curieux qui ont souhaité découvrir ma littérature ! Alors c’est sur écran que je découvre les premiers retours de lecture enthousiastes, certains très touchés par leur lecture. C’est une émotion toute particulière pour moi que de les recevoir… Voir Le silence qui cache la forêt dans des piles à lire de personnes confinées, ça met vraiment du baume au cœur ! Cette année 2020 renforce ma conviction que le livre est essentiel, mais pas que lui : l’accès à la culture toute entière qui nous est enlevée peu ou prou. Ne nous habituons pas à vivre sans culture, elle est une nourriture émancipatrice, élévatrice et thérapeutique. En tant qu’autrice, je me confine souvent de moi-même pour écrire ! Mais évidemment, dans le contexte actuel, je n’y trouve pas la même joie…


Parle nous de ce projet d'adapter ton texte en format audio ? Quels sont tes liens avec la mise en voix d'un texte et qu'est-ce que tu penses que cette autre manière de raconter l'histoire d'Anna peut apporter à l'auditeur ?


J’ai fait des études théâtrales et j’aime énormément performer. On me dit souvent qu’on entend ma voix quand on me lit, alors j’ai eu envie de jouer le jeu : raconter l’histoire d’Anna. Je n’avais pas envie de créer un simple livre audio, alors je me suis associée avec Matthieu Zisswiller, qui a pu non seulement enregistrer et monter le projet, mais également composer une musique originale. C’est une vraie pièce sonore, un peu comme au théâtre mais seulement avec les oreilles. J’ai une voix qui s’y prête, je suis une conteuse. Avec Matthieu, on a vraiment voulu créer une ambiance sonore autour du roman, comme une plongée dans l’histoire d’Anna. Et puis, toute l’idée du roman est de faire s’ébruiter le silence, alors créer une pièce sonore sublime ce message ! Le silence se fait entendre…

Enfin, est-ce que tu peux nous conseiller : un livre à lire, une expo à voir (quand tout rouvrira?), une série à regarder ou un film à ne pas manquer ? Quelle est la dernière œuvre qui t'ait touchée ?


Dernièrement, j’ai été beaucoup touchée par la lecture du dernier roman de Laurine Roux, Le Sanctuaire. En ce moment, je lis le dernier tome de L’arabe du futur de Riad Sattouf dont j’aime suivre les aventures… Et j’attends avec impatience de pouvoir lire le prochain livre de Pierre Cendors, L’énigmaire… Mais j’avoue que je passe davantage de temps à chanter qu’à lire depuis que je suis enfermée chez moi, je fais partie des auteurs qui prennent le fait de travailler leur voix au pied de la lettre ! Peut-être encore un moyen de faire vibrer le silence…



Propos recueillis par mail en juin et novembre 2020.


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