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Entretiens, coulisses, événements hors et entre les murs…
La maison ouvre ses portes aux curieux·ses.

Assises de l'édition indépendante 2023 : esquisser un nouveau commun pour un autre futur

Par Clémence


Les 2 et 3 février 2023, Gorge bleue s’est rendue à Aix-en-Provence pour assister aux premières Assises nationales de l’édition indépendante. Parce qu’il nous semblait important de relayer l’événement, Gorge bleue a tenu à en proposer un petit compte-rendu afin de prolonger des réflexions, susciter des échanges peut-être ! Sait-on jamais.


Sur deux jours, plus de 300 professionnel∙les ont pu se déplacer et remplir le grand amphithéâtre de la Manufacture du livre (par ailleurs ancienne usine d’allumettes, tout de même quel comble…). Au programme ? Aucun autodafé, mais des discours pas moins enflammés, des débats, des conférences, des ateliers ; tout cela ponctué de quelques pauses cafés, déj et danse (garantie d’un esprit vif et souple).


Nous avions hâte de ce rassemblement, organisé par la FEDEI (pour Fédération des éditions indépendantes), de consoeurs et confrères, occasion de foisonnants échanges et de milliers d’idées !

L’ambition de ces assises était de dresser un portrait de l’édition indépendante, celle qui existe en région notamment et cherche les moyens d’être mieux connue du grand public. Cela suppose d’emblée une première question, non moins épineuse : qu’est-ce que cela veut dire « édition indépendante » ? « Indépendante » de qui, de quoi, de où et depuis quand ?

Des questions il y en a eu bien d’autres, et pour trouver des réponses la mise en commun des expériences de chacun·e était vivement sollicitée (et ne s’est pas faite attendre).


Jour 1 - État des lieux : édition, librairies, dancefloor…


L’intervention musclée de Sophie Noël, sociologue et spécialiste de l’édition indépendante, permet d’emblée de replacer historiquement le sujet. Un : le débat sur le terme « indépendance » ne date pas d’hier. Deux : le terme s’est construit par opposition à une édition « marchandisée », celle des grands groupes éditoriaux (Hachette, Editis, Madrigall…). Trois : si la recherche d’un consensus pour définir l’édition indépendante ne pourra guère aboutir, la plupart des éditeurices indé s’accordent sur le fait que tous-tes aspirent à changer les règles du jeu qui, jusqu’ici ont entraîné la concentration, la financiarisation et la surproduction éditoriales.


« Construire collectivement, inventer d’autres communs. » Léonor de Nussac (directrice de l’agence régionale du livre PACA, à la co-organisation et modération de ces Assises), dans son discours d’ouverture.


L’édition indépendante vise une production plus raisonnée des livres, mais aussi de meilleures interactions et coopérations entre l’ensemble des professionnel∙les du secteur. Elle souhaite aussi plus de reconnaissance du long labeur que les éditeurices indé effectuent souvent seul·es. C’est un des sujets qui revient le plus en cette première journée : ils et elles sont, certes, plus débrouillard-es et plus souples que les GGE (pour grands groupes éditoriaux), mais ont aussi moins de moyens (= pas d’argent) et de temps pour développer leur maison et leur activité. Peu d’éditeurices parviennent à développer un chiffre d'affaires leur permettant de se payer elles et eux-mêmes. Quand certain·es ont demandé « plus d'aides », d'autres ont lancé « un accès simplifié aux subventions publiques ».


Dans l’après-midi, on se demande aussi comment améliorer la visibilité des maisons d’édition indé en librairies. S’il est à peu certain que l’édition indé permet la bibliodiversité, il faudrait pouvoir la promouvoir davantage. La réalité des libraires est complexe, et mérite d’être toujours rappelée. Ce qu’il faudrait c’est plus de temps aux libraires et plus de transparence (un mot qu’on aime bien et dont on vous reparlera) au public. Rappeler comment sont faits les livres et par qui. Sensibiliser à d’autres manières de fonctionner et de produire. Puis rappeler l’importance du lien culturel. Le lien. Le sensible. Qui s’oppose à la machine qui s’emballe et se déshumanise. C’est aussi de ça dont il a été question durant ces deux jours : être et faire ensemble, autrement, ralentir pour prendre le temps de remarquer un texte, une idée, une main tendue. C’est un peu lyrique et abstrait, mais c’est aussi ce qui a attiré tout ce monde aux Assises et qui, bien plus tard dans la soirée, l’a fait danser et danser encore. Une main tendue ou plusieurs.


« La bibliodiversité est la diversité culturelle appliquée au monde du livre. En écho à la biodiversité, elle fait référence à une nécessaire diversité des productions éditoriales mises à la disposition des lecteurs »



Jour 2 - Multi-casquettes sous le soleil de province


J'accélère un peu pour ne pas vous essouffler.


Le deuxième jour, on a parlé de la relation entre auteurice et éditeurice, de la proximité qui était rendue possible par la taille raisonnable des maisons indé, mais aussi du caractère approximatif de certains contrats qui rendaient parfois flagrants le peu de temps qui leur avait été accordé. Plus de temps. Plus de formations. Moins d’isolement également. À force de cumuler les casquettes, certain·es éditeurices indé sont fatigué·es. La nécessité de s’organiser et de faire circuler les savoirs est plus que jamais nécessaire pour assurer la « bonne situation » de toutes et tous.


Le secteur de l’édition étant majoritairement concentré à Paris, les activités développées en régions sont souvent moins considérées.

Pour résister à ce phénomène, les agences régionales du livre, en véritables techniciennes de terrain, proposent, en plus d’un accompagnement au développement et d’un soutien financier, des actions culturelles pour faire rayonner les maisons implantées sur leurs territoires. On peut entendre lors des débats que « s’inscrire dans son paysage » est une manière de parvenir à développer son activité. C’est une voie. Chez Gorge bleue, on s’interroge un peu sur cet argument qui vise à associer la notion de territoire à la réussite ou non d’une maison. Non pas que l’on soit hors-sol, nos partenaires locaux en librairie et bibliothèques sont solides, seulement on aime aussi courir le pays et on a l’esprit voyageur. La périphérie est un concept qui existe parce qu’on en a déterminé un centre : nous, on préfère slalomer que graviter. Bon. Il faut finir.


Deux jours écoulés à remuer nos cerveaux dans tous les sens, de nouvelles idées sont nées de ces rencontres et de ces échanges. D’ici la prochaine édition, on espère qu’ensemble, nous les éditeurices indé nous serons retroussé les manches pour substituer aux mots des actions concrètes. Le chantier a déjà commencé, qu’on l’étende, qu'on l’amplifie de nouvelles voix et l'augmente de nouveaux muscles !

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